La traduction, souvent comparée à un pont dressé entre deux langues, encourage les liens entre les différentes cultures. Traduire un texte revient à le rendre accessible pour la culture d’arrivée, à diffuser d’une certaine manière la culture source auprès du lecteur étranger. Traduire vers une langue c’est aussi adopter ses codes linguistiques, préserver son authenticité et éviter toute interférence de la langue source : Une culture donnée n’est accessible pour un étranger que si elle est exprimée dans sa langue, sous la forme la plus pure de celle-ci. Dans ce monde où l’anglais exerce une certaine hégémonie, la traduction apparaît comme un moyen de réaffirmer sa propre langue.
Le français est littéralement envahi par les anglicismes, qui sont de plus en plus nombreux : « week-end », « bashing », « hastag », « sourcing ». Ils s’installent rapidement et sont difficiles à déloger. En France, ce sont les commissions spécialisées de terminologie et de néologie qui sont chargées d’enrichir la langue française et de favoriser son utilisation dans les domaines scientifiques et techniques. Elles créent des termes français pour supplanter dans l’usage les mots étrangers. Ainsi, « corner » devient « coup de pied de coin », « hastag » devient « mot-dièse » et « bashing » devient « éreintage ». Néanmoins, ces trouvailles n’ont pas la cote et bien que relayées par les services et les établissements de l’Etat, elles ont du mal à s’implanter dans l’usage. Certains francophones les jugent ridicules et taxent les commissions de chauvinisme.
Le travail de celles-ci est d’autant plus difficile que le franglais ne concerne pas seulement le lexique mais aussi la syntaxe. Ainsi, la tournure calquée sur l’anglais just + adjectif, bien qu’incorrecte, est couramment employée par les francophones : « it’s just wonderful ! » serait traduit par « c’est juste merveilleux ! » alors que l’on devrait dire dans une langue authentique : « c’est tout simplement merveilleux ! ».
Si les anglicismes foisonnent en France, la tendance est beaucoup moins franche en Espagne. Les mots étrangers empruntés sont le plus souvent hispanisés. Cette promotion de la langue espagnole se manifeste également par la traduction systématique des titres de sitcoms : Grey’s Anatomy devient Anatomía de Grey, Desperate Housewives devient Mujeres desesperadas tandis qu’en France, ces titres anglais sont conservés tels quels ou sont remplacés par un autre titre anglais ! Army wives devient en France American wives, surprenant ! C’est sans doute parce que l’adjectif « American » est un peu passe-partout, plus accessible pour un public français et donc plus accrocheur. Il aurait peut-être été plus simple de proposer une traduction française comme c’est systématiquement le cas au Québec. Le français est-il jugé, en France, trop ringard et l’anglais plus cool ? C’est en tout cas l’argument de bon nombre de directeurs marketing chargés de commercialiser les films américains en France.
En Espagne, la tendance à tout traduire est confirmée par l’exemple suivant : les paroles de la chanson de générique de la série américaine The fresh Prince ont été traduites. Le rap a été rechanté en espagnol. Cette traduction a sans doute été jugée pertinente car la chanson en question était une petite biographie du personnage principal de la série. En France, comme on pouvait l’imaginer, le générique original a été conservé.
Si la promotion de la langue nationale est en bonne voie en Espagne, les anglicismes ont la vie dure en France.
Rédaction: Stéphanie Pénavère & Estefanía Pedrosa
Relecture . P. Ligavan